Publié le 9 octobre 2012 par sourire - Dernier commentaire le 5 janvier 2014

1983 Ballade dans le désert


Nous partons à quatre, un collègue de travail, son fils, ma fille et moi. La ballade s’avère bien moins sympa que lors de ma première expérience, en 1981 ..

Nos jeunes, 18 et 20 ans, sont peu résistants, se plaignent de la chaleur et du manque d’eau, la familiale nous lâche en plein désert, Sylvain est malade, on nous vole notre argent, j’envoie la deuxième voiture dans le décor…tout va mal mais bizarrement tous les quatre nous aimons.

Curieusement, ma bonne humeur est inébranlable. Le désert, c’est quelque chose de fantastique, qui ne s’explique pas, qui vous prend, vous enchaîne et qui balaye toutes les difficultés, tous les a priori.

Il faut vivre cette aventure pour percevoir le monde sous un autre jour. Nos problèmes sont de faux problèmes, nos mesquineries sont sottises et nos pleurnicheries sont dérisoires, grotesques…

C’est tellement beau, tellement prenant, tellement stressant, cette immensité silencieuse et pleine de bruits, que tous nos tracas deviennent petits, vains et sans objet.
La, les yeux brûlés par le soleil, les lèvres desséchées par un vent chaud et sec, vous comprenez enfin, seul en face de Dieu, que vous n’êtes rien, rien et encore moins. Vous êtes pris a la gorge, ému, envoûté, vous apprenez ce que veut dire solidarité, vous avez envie d‘être une personne bien, en tous cas mieux que ce que vous êtes, vous voulez crier aux éternels insatisfaits qu’ils arrêtent de gémir et de jeter la faute de leurs déboires sur les autres.

Dans le désert, vous n’êtes pas seul, et vous vous apercevez combien ils sont dévoués ceux que vous croisez alors que trente secondes plus tôt ils ignoraient jusqu'à votre existante.. Qui ? Mais les touaregs, les arabes, les noirs, les jaunes, les anglais, les allemands, les français, de droite, de gauche, ils sont tous extraordinaires.
Alors que nous étions désespérés, perdus, assoiffés, nous n’avons trouvé que des hommes, des femmes, pleins d’amour et de compassion prêts à secourir ceux qui sont dans la détresse.

Il faut savoir que le désert n’est pas désert et qu’il est impossible de rouler une journée sans rencontrer quelqu’un en difficulté, ou au contraire quelqu’un qui vole à votre secours.
Ceux qui meurent dans le désert sont hélas trop souvent des téméraires qui ont bravé les conseils, ont volontairement quitté la voie normale, les balises, à la recherche d’une plus grande aventure, l’inédit, l’impossible, refusant de se contenter de cet extraordinaire périple, voulant plus, encore plus, toujours plus, se croyant plus forts que les autres.

Du plus profond de mon être je remercie Dieu de m’avoir offert ces instants absolument fantastiques Ils m’ont permis de me ressaisir et d’arrêter de me lamenter sur mon cas bien banal et tellement terre à terre. Même si ma fille se fatigue, elle aussi est envoutée et partage mes émotions.

Avec ma fille, de retour en France, nous nous montons la tête, nous embellissons tout, nous vivons en permanence a 6000 km de la, nous revivons avec beaucoup d’émotions notre traversée du désert.

Nos aventures sont anoblies, nous rions de nos frayeurs, nous pleurons sur nos amis éphémères, sur les hommes bleus surgis d’on ne sait où, qui l’on faite monter sur un magnifique dromadaire.

Là, en pleine mer de sable, ces touaregs armés jusqu’aux dents et nous quatre, sans défenses, avec pour seul refuge une pauvre vieille voiture… et combien est grande notre ignorance. Ces hommes sont bons, corrects, pleins de prévenance. Certes Nathalie les attirait et lorsqu’ils l’ont hissée sur leur monture, les mains étaient un peu baladeuses mais sans insistance.

De toute façon je ne sais pas comment nous aurions fait s’ils avaient voulu nous faire du mal avec leurs grands sabres accrochés à leur taille ! Au lieu de cela, ils ont tout fait pour nous aider, tiré notre voiture qui s’était enlisée, nous donnant quelques dattes à grignoter et nous offrant leur gourde pleine d’eau délicieusement fraîche.

Et ces camionneurs, touaregs, eux aussi ? Le plus simplement du monde ils nous ont fait partager leur frugal mais délicieux petit-déjeuner. Ils nous ont même accompagné pendant quelques km en roulant a nos cotés pour nous remettre dans la bonne direction entre les balises, souvent difficiles à repérer… Bon, ils m’ont proposé 20 dromadaires si je leur laissais ma fille mais devant mon regard horrifié, ils ont ri et m’ont dit que moi, je valais 50 chameaux parce que ma fille est la preuve de ma fertilité !!!Alors de quoi je me plains

Des centaines d’anecdotes ont émaillé notre périple et le temps passant tous ces souvenirs sont savoureux et plein de poésie. Sur l’instant, tout nous inquiétait, nous crevions de peur pour un oui pour un non.

Mais nous avions tort et je ne regrette pas! Aujourd'hui une telle aventure est devenue "kamicase" mais si je le pouvais, malgré mes 76 ans, je vivrai bien de tels moments... rec