30 juin 2012 22h09

Djabali
J'ai écrit ça aujourd'hui...

Au travail, comme un esclave, je détruis ma santé.
Entre le stress, la pression, quand je rentre le soir inutile même d'imaginer
Que je vais pouvoir simplement me reposer.
Cherchant à compenser la pourriture de la journée
La petite bête dans la tête tourne en rond pendant la nuit.
Je me suis levé tard ce vendredi.
Je suis allé retrouver Cédric, un ami.
Comme chaque semaine, nous allons au même restaurant, rue Chefchaouni.
Le jour du couscous.
On l'apporte dans un plat en terre, on le pose sur la table.
Dans la rue, deux enfants passent.
Ensemble, ils doivent avoir à peine 20 ans.
Leurs corps amaigris sont plantés dans des vêtements où brille la crasse
Qui maquille aussi les visages de ceux
Qui sont dans la rue la chambre, la cuisine, la salle de jeux.
Le plus grand, les doigts de la main réunis en faisceau,
Esquisse le geste, inclinant la tête
De porter à la bouche un morceau de nourriture.
Le blason de la faim qui creuse l'espace
Entre la peau de l'enfant et ses vêtements
Un plat de haricots blancs devrait faire l'affaire
Mais le plus jeune des deux, s'avançant vers moi
Dit à la serveuse : « je veux du couscous » !
La crasse, la misère, le mépris des bons citoyens, la faim, la soif
N’ont pas effacé chez cet enfant son âme, son âge
Avec lui je négocie : je mange la moitié de mon plat
Que je partagerai avec lui.
Le marché est conclu. Je reprends le cours de ma discussion
Je parle, le temps passe. Leur plat terminé, les enfants vont s'éloigner,
Le plus jeune revient demander son dû.
J'ai trop parlé, je n'ai pas terminé. Encore un peu.
Ils s'éloignent en direction du café, au bout de la rue.
Par deux fois, il revient à la charge. Je m'active,
Pas question de manquer à ma parole, j'ai promis.
Quand j'ai fini, je lui passe le plat à tajine
Dans lequel j'ai laissé une partie de mon repas.
L'enfant avide englouti la semoule, les légumes, le poulet
C’est vendredi ! Puis il se verse un grand verre d'eau.
Avant de partir, l'enfant rassasié
Offre, reconnaissant, à l'adulte amusé
Les bénédictions d'un dieu auquel ce dernier
Ne croit plus.

Il fait chaud.
Ma chemise colle à mon dos, je vais me doucher.
Ensuite, comme un bagnard, je traîne des pieds
Vers la fosse où je dois travailler.

14h30
Je passe la rue Mohamed V, en face du commissariat
Sous le soleil.
Contre le mur, sur le trottoir, à moitié recroquevillé
Un homme,
Immobile
Sous le soleil.
C'est un clochard qui traîne dans le quartier,
Le visage rond, la peau mate, les cheveux rasés
Plutôt costaud, l'air niais, un imbécile
Il n'a pas plus d'une trentaine d'années.
Je passe à côté,
Une légère odeur de solvants s'accroche à moi
Plus je descends la rue, plus elle m'envahit,
Écorche mes yeux, mon visage, mes narines
Finissant par m'abandonner 20 m plus bas !
Je me dis : « malheureux, mon ami,
Tu t'es mis dans les poumons de quoi aller au paradis »

17h
J’ai passé trop de temps enchaîné à mon PC
Je veux sortir un peu, retirer de l'argent, changer d'air
Je remonte vers Mohammed V, vers le distributeur
À mon grand étonnement l'homme est encore là
Toujours au sol, recroquevillé, sous le soleil.
Ses entrailles attaquées par les solvants se sont vidées
La merde liquide, ocre jaune, a envahi son pantalon jusqu'aux genoux
Se répandant ensuite sur les dalles du trottoir
Pour le plus grand plaisir des mouches
Qui dansent en tournoyant
Sous le soleil.
J'avance.
L'homme est parfaitement immobile.
Son nez, sa bouche sont souillés par une mousse blanche
Pareille à ce mucus produit lors de leur accouplement
Par certains batraciens.
Les citoyens respectables passent
Sous le soleil
Et le long de ma moelle épinière passe
Une main de glace
Une idée qui me traverse, de part en part
Un homme seul, emprisonné dans les tréfonds de sa misère
Sourd, aveugle, muet
Sur un trottoir agonisant
Sous les regards méprisants
Des passants respectables.

Je retire 300 dirhams.
Revenant sur mes pas, je vois la tête de l'homme bouger.
Il n'est pas mort, pas encore.
Bouger, c'est un grand mot, trembler plutôt.
Puis c'est le tour de sa main, un tremblement si inoffensif
Que même les mouches autour de lui
S’en moquent.
Il est vivant, je respire, mais pour combien de temps ?
J'observe autour de nous, personne, pas un seul individu
Pour s'arrêter, pour agir, pour lui parler.
Le coiffeur du coin s'en moque,
Le fonctionnaire respectable l'ignore
La femme sensible détourne le regard
L’homme religieux vers le ciel les yeux
Et l'homme sans dieu s'en va,
Laissant derrière lui son frère, le clochard
Son humanité dans sa poche.

30 juin 2012 22h10

gonzo
Et ça continue encore et encore
Vidéo YouTube

30 juin 2012 22h12

Djabali
je déteste Francis Cabrel

30 juin 2012 22h12

gonzo
moi j'adore

30 juin 2012 22h13

Véro
Gonzo : steuplé... pas celle là pour moi, même si j'aime beaucoup, pas ce soir

30 juin 2012 22h15

gonzo
ha bon, toi aussi ?
mais c'est trop tard ...une fois que c'est lancé, on en revient plus.
ces choses la se travaillent de soit meme ... faut se forcer à se pousser un peu, limite à te trouver un sexfriend

30 juin 2012 22h16

Mag
Merci pour le partage Djabali, tes mots parlent d'eux même je n'ai rien à ajouter...

30 juin 2012 22h19

Arsène Lupin
C'est bien écrit, chapeau.

30 juin 2012 22h28

Djabali
je ne cherches pas des fleurs mais un avis sincère, vous pouvez y aller ...

30 juin 2012 22h29

R.WOLF
C' est une des raisons pour lesquelles je ne voudrais pas vivre au Maroc.

Pourrais tu écouter ceci s' il te plaît? oui, c' est bien écrit ceci dit.


30 juin 2012 22h31

gonzo
c'est assez dur ...et surtout c'est l'histoire d'une vie quotidienne, c'est ça qui tue.
et qui m'a inspiré la chanson que j'avais mis.


30 juin 2012 22h37

Arsène Lupin
Oui, c'est dur.


30 juin 2012 22h43
modifiée
30 juin 2012 22h48

Djabali
@wolf, j'aime bien cette femme vraiment !! la liberté ça se paie mais ça le vaut !

l'expérience du prêtre ouvrier est intéressante aussi, on ne peut pas guider les autres sans vivre comme eux...

30 juin 2012 22h50

lurette
ben moi ça m'a serré le coeur, ton poeme...
la premiere partie il y a malgre tout la vitalité et le grace de l’enfance
on a l'impression de voir briller leurs yeux
la deuxieme, c'est, déguisée en lâcheté, toute l'impuissance du monde face au ricanement de la misere

30 juin 2012 22h51

Mag
Comme dit avant moi c'est bien écrit, on voit ces jeunes de 20 ans, on voit ce pauvre clochard, et on reconnait sa propre impuissance avec la distance. It's a cruel world comme chante la ronde de Gossip.

30 juin 2012 22h56

Djabali
bon, je me suis mal exprimé, ils ont à peine 20 ans ensemble : une dizaine d'années chacun ... ce sont des gosses que je croise de temps en temps et à qui je file à bouffer ... eux aussi ils se défoncent aux solvants.

30 juin 2012 23h00

Arsène Lupin
Chez nous, c'est comme ça aussi par endroit.

30 juin 2012 23h03

Djabali
où ça ?

30 juin 2012 23h06

gonzo
au pourtugal, j'ai vu bien pire qu'en france, meme au portugal ça n'en était pas à ce point la
du moins à ce que j'ai vu.

30 juin 2012 23h06

Arsène Lupin
Dans la plupart des banlieues autour des grandes villes ou des villes moyennes comme celle-ci.

30 juin 2012 23h07

gonzo
je croit que tu en est loin arsene, tu ne semble pas te rendre compte

30 juin 2012 23h08

Arsène Lupin
Je suis allé aussi au MAROC.

30 juin 2012 23h57

Djabali
je n'ai jamais vu en France, en Palestine, en Jordanie ou en Egypte la misère humaine que je vois au Maroc ...

1er juillet 2012 01h06

Pépé le Moko
Très beau texte Djabali. J'ai l'impression, en le lisant, de voir cette misère à travers tes yeux tout au long de ta journée. Tant de misère et si peu d'heures écoulées. Il faut quand même beaucoup de misère pour qu'elle en arrive à devenir invisible à la plupart des gens. On fait courir l'humanité dans une course folle au nom du progrès et tant pis si certains n’arrivent pas à suivre. Or, c'est justement cette capacité à aider son prochain qui fait le meilleur de notre humanité. Les belles valeurs de l'humain ne seront bientôt plus qu'un lointain souvenir. Je prédis un futur, dans lequel ces valeurs ne se trouveront plus que chez certains animaux et l'Homme versera un petite larme nostalgique en s'échangeant la vidéo qui le montre sur youtube.

Le dormeur doit se réveiller !

1er juillet 2012 04h36

Jean-Pierre ♫
Très beau texte, Djabali.
Tu devrais le mettre dans ton blog.
Cela permettrait que ce témoignage ne disparaisse pas dans le flux des discussions qui défilent...

1er juillet 2012 07h43
modifiée
1er juillet 2012 07h51

Arsène Lupin
Pépé, tu as raison.
Néanmoins, le Christ a promis de venir nous sauver.
C'est en cours.
Je suis souvent desespéré par notre nature humaine et à chaque fois, je reçois un message d'espoir.
http://www.lateledelilou.com...
Tu vas me tuer si je te dis qu'il y a deux mondes devant nous en fonction de ton niveau d'évolution.

1er juillet 2012 13h48

Djabali
le christ ? à clouer à la porte comme une chouette ...

1er juillet 2012 14h23

Pépé le Moko
Djab', il ne faut pas dire ça... Le christ était sans doute un mec très bien et ses principes, de bons principes. C'est son caractère divin et ses miracles que je remets en cause, pas son message.

Arsène, je ne te tuerai pas. Je n'y crois pas mais je peux te laisser y croire du moment que tu ne me forces pas à y croire.

1er juillet 2012 15h51
modifiée
1er juillet 2012 16h03

Arsène Lupin
« Ne vous inquiétez pas du lendemain »
"Jésus disait : « Ne vous inquiétez pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. » Certains ont interprété ces paroles comme une invitation à vivre dans l’insouciance. Au contraire, Jésus met l’accent sur la conscience, la vigilance qui nous aident à bien vivre aujourd’hui. « À chaque jour suffit sa peine. » Il faut donc « peiner », car demain ne se débrouillera pas tout seul, et il est imprudent de le laisser venir sans rien préparer. Ne pas se soucier du lendemain suppose qu’on se soucie d’aujourd’hui. C’est aujourd’hui qui réclame toute notre attention, tous nos soins.
Combien de gens oublient le présent pour ne penser qu’à l’avenir ! Puisqu’ils sont en train de vivre le présent, ils croient qu’il n’y a pas tellement de questions à se poser à son sujet. Eh bien si, justement, c’est sur le présent qu’il faut se concentrer."
Omraam Mikhaël Aïvanhov

nb : http://www.reiki-voyance.com...
Tout être humain possède un taux vibratoire :
Il est différent les uns des autres. Le taux vibratoire d’un être humain, est fonction de son degré d’évolution spirituelle et donc, nous pouvons le modifier et le faire augmenter.
Nous sommes des êtres faits à 100% d'énergie. Une énergie est caractérisée par son taux vibratoire. En élevant notre taux vibratoire on élève le taux vibratoire de la planète, en faisant effet de phénomène de résonance, toute la création terrestre tend à élever sa vibration et à l’ajuster avec celle
de la planète. Chaque être humain est d'abord et avant tout un Esprit divin.

2 juillet 2012 17h11

jamydefix
Ton texte m'avait échappé Djabali.
Quelle misère, il y a maintenant au Maroc...
C'est terrible, tu a su parfaitement transmettre cela avec tes mots.
Je n'ai pas l'impression que c'était à ce point quand j'y suis allé, il y a 38ans de ça...
Comme partout il y en a des toujours plus riches et des toujours plus pauvres, sans que l'état n'essaye de rétablir l'équilibre...
Vont ils en finir, "comme je l'ai vue en Inde" par passer dans les rues tous les matins avec une chariotte, pour ramasser les morts qui traînent dans le caniveau...
Peut être que si ça salit la carte postale tourist-hic, ça les obligera un jour à redevenir plus social et humain avec le peuple...
Tu sais Arsène, les Jésus, les bouddha, Alla, Krishna ou Nitsche n'ont souvent absolument rien à voir avec ce qui a été fait ensuite de leur message.

3 juillet 2012 18h02

Djabali
malheureusement, ça se passe dans la vie nouvelle, loin des touristes qui se concentrent plutôt dans la médina...

J'ai fait lire le texte à un ami slameur, il me dit qu'il a été touché. Je suis content, c'est mon premier essai en dehors de la prose...

4 juillet 2012 08h18

jamydefix
Dans la vie nouvelle...
Il me semble que la pauvreté que j'y ai connu était moins sombre...
Déjà j'avais bien compris pourquoi ils avaient de bonnes raison de braquer les touristes, à commencer par moi, mais là ils sont cramés...
Comme ce que tu a écrit Djabali c'est vraiment ça le Slam
J'aimerai accompagner tes textes avec ma musique
Comme un Griot africain
Un saxo
Une flûte qui crie au loin
La kora
La parole qui se transmet de coeur à coeur
C'est ça le Slam
Vidéo YouTube

4 juillet 2012 09h49

Lilouu
Simplement excellent... merci.

4 juillet 2012 10h36
modifiée
4 juillet 2012 17h46

jamydefix
Merci d'être toi Lilouu
Djabali si tu veux on se retrouve la avec le Slam ton Slam:
Le Slam un façon de parler de poésie, vient-elle de l'islam? Aimez vous ou non, pourriez vous dire pourquoi?

4 juillet 2012 10h38

Lilouu
Jamy: que me vaut ce gentil petit mot?

Merci à toi aussi, pour ta sensibilité et ta grande gentillesse.

4 juillet 2012 17h50

jamydefix
Lilouu: Simplement parce-que tu semble adorable sous tous les points de vue.
Quant à moi c'est parce-que tu ne me connais pas en réalité.

7 juillet 2012 15h52

Djabali
quels échanges magnifiques, on est loin de certaines interventions... La magie de la poésie ?

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